Le premier aperçu du génome de l’homme de Neandertal, le plus proche parent de l’espèce humaine moderne, est publié aujourd’hui conjointement dans les revues Nature et Science. Un million de paires de bases ont été séquencées à partir d’ADN nucléaire recueilli sur un os de Néandertalien vieux de 38.000 ans, retrouvé dans une grotte de Croatie. Avec ce matériau inédit, les chercheurs espèrent répondre à beaucoup de questions, à la fois sur l’homme de Neandertal et sur ce qui est propre à l’homme actuel.
Le chercheur allemand Svante Pääbo, de l’Institut Max Planck, a commencé son œuvre de déchiffrage il y a plus de dix ans avec la première analyse de l’ADN mitochondrial de Néandertalien, publiée en 1997. Au printemps dernier il annonçait avoir isolé de l’ADN nucléaire, celui qui est contenu dans le noyau de la cellule, non pas dans la mitochondrie. L’ADN nucléaire fournit beaucoup plus d’informations mais il se dégrade plus facilement avec le temps et il est contaminé par l’ADN de bactéries ou de champignons. Le travail d’identification des séquences néandertaliennes est donc complexe.
Le tour de force est confirmé aujourd’hui avec la publication des deux analyses. L’équipe de Svante Pääbo, qui publie dans la revue Nature, a déchiffré un million de lettres du patrimoine génétique de l’homme de Neandertal, grâce une nouvelle technique appelée le ‘’pyroséquençage’’ (pyrosequencing), qui permet d’analyser les séquences d’ADN sans les amplifier.
L’équipe d’Edward Rubin, qui a travaillé avec le même matériel en partenariat avec Pääbo, a utilisé une autre méthode et a identifié 65.000 paires de bases. Ces résultats sont publiés dans la revue Science.
Les deux analyses parviennent à des conclusions très proches sur la chronologie. Pour l’équipe de Pääbo Homo sapiens et Homo neanderthalensis ont divergé il y a environ 500.000 ans, tandis que l’équipe de Rubin conclut que les deux espèces ont partagé un ancêtre commun il y a 700.000 ans et qu’elles se sont séparées il y a 370.000 ans. La différence entre les deux génomes serait inférieure à 0,5%.
Il est encore trop tôt pour savoir si les deux branches humaines se sont métissées. Rubin et ses collègues n’ont pas trouvé de traces d’un croisement entre l’homme moderne et l’homme de Neandertal. Pääbo n’exclut pas que des gènes de l’homme moderne soient passés aux Néandertaliens. A moins que ce ne soit l’effet d’une contamination de l’échantillon par de l’ADN humain actuel.
Il faudra donc réunir davantage de séquences de l’ADN néandertalien pour répondre aux nombreuses questions qui se posent. Pääbo et ses collègues espèrent publier une séquence complète d’ici deux ans. La première pierre de la paléo-génomique humaine a été posée.
Cécile Dumas
(16/11/06)